D'abord la maison, dans son agencement, n'est pas conçue pour a priori assurer les fonctions de la vie extérieure où se déroulent en temps normal les activités professionnelles. L'habitat est compartimenté de telle sorte qu'il y est inconfortable de travailler dans les mêmes conditions qu'au bureau, à moins de disposer de 400 m2 et de vivre sans devoir partager l'espace avec quiconque. Sans doute les urbanistes et architectes reçoivent désormais en cahier des charges la mission de nous concocter des dispositifs articulant mieux à l'avenir vie privée et travail, en prévision d'autres épidémies venant contracter l'activité économique et sociale de nos sociétés.
En attendant, il faut dénicher son câble d'ordi entre les couches du petit dernier et les jouets du chien sous les coussins du canapé familial, et tâcher de s'octroyer une poignée d'heures solitaires pour se concentrer sur ses mails ou sa réunion hebdomadaire en visio-conf.
A ce régime, si l'on n'y prend garde, se développent assez vite irritabilité, impatience, et un sens reptilien aigü du territoire. Et ce n'est pas tout : voilà qu'on se surprend à regretter les bons côtés du boulot en présentiel, et c'est soudain comme si le câble d'ordi, retrouvé avec soulagement, faisait office de cordon ombilical avec le milieu nourricier du travail. On se remémore tout ce qui, mine de rien, donnait un semblant d'intensité positive au contact des autres, au point qu'une sorte d'évidence finit par frapper l'esprit sidéré du télétravailleur : "la pause-café, c'est le meilleur moment de la journée de travail" !