Pourquoi informer ne suffit pas.

Le 18/12/2021 0

Dans Crise psychique

On n'a jamais mieux été informés sur l'effondrement en cours.

Et pourtant demeure ce sentiment que rien n'y fait, que déni et course en avant continuent voire empirent.

Comment expliquer ce décalage et qu'en est-il vraiment ?

la maison brûle

Les journaux parlent désormais sans tabou du chaos qui nous menace sur le plan climatique et économique - quand il ne nous frappe pas déjà. Les images catastrophiques d'inondations ou d'étudiants faisant la queue pour manger grâce à la solidarité populaire l'illustrent entre autres. Des documentaires sont diffusés, des comptes-rendus scientifiques publiés, des essais édités. Impossible d'ignorer les faits actuels démontrant que tout s'effondre, que ce soit le service hospitalier ici, la démocratie là... Bref, rien ne semble épargné dans l'affligeant état des lieux qu'on peut dresser aujourd'hui des conditions de vie sur toute la planète.

Néanmoins, hors mis quelques éco-anxieux pris de panique qui réclament une prise de conscience civile et des mesures politiques à échelle planétaire sur le désastre en cours et presque autant d'activistes qui militent sans relâche pour défendre le petit agriculteur contre les lobbys pollueurs ou sauver le récif corallien à l'Ile Maurice, la majorité des humains continue son train-train quotidien sans sembler plus émue que ça par les nouvelles. Comment expliquer ce comportement ? La maison brûle et rien ne change ? Que se passe-t-il dans la tête des passifs dont l'inertie choque à l'heure de l'effondrement en live ?

droit devant

Etre informé correctement, outre que c'est loin d'être la règle dans les stratégies éditoriales sacrifiant à l'audimat la mission informative du journalisme, ne suffit pas à prendre la mesure de la gravité de la situation. Cette mesure est moins intellectuelle, voire rationnelle, que physique pour ainsi dire : on la ressent. En tant qu'animal, chacun ressent le danger de façon quasi instinctive. L'information, c'est pareil, il faut qu'elle coïncide avec des relevés intérieurs qui nous font sentir le vent se lever ou pas. C'est à cela que ceux qui ont connu 39-45 doivent, à la moindre annonce de pénurie, de courir dévaliser les supermarchés pour stocker sucre et pâtes. Et ce type d'appréciation est toujours subjectif, il découle d'un alignement entre un contenu informatif et un vécu personnel. Exemples : le réchauffement climatique prend une dimension réelle pour le climatologue qui prélève des carottes glacières régulièrement et "l'effondrement" est le lot quotidien du Bangladais qui voit le fleuve grignoter la berge où il doit déplacer chaque année sa cabane un peu plus à l'intérieur des terres. Ceux-là ont de quoi évaluer la dégradation qui s'accentue, mais aussi, selon, l'efficacité d'un activisme victorieux, via un baromètre interne et non des ouï-dire. Eux, y croient puisqu'ils y assistent en témoins plus ou moins actifs.

Mais pour un vacancier qui ne change pas ses habitudes de partir skier en février, tout peut paraître demeurer identique chaque année : les hôtels n'ont pas fermé, les vols sont assurés, les canons à neige donnent l'illusion de pistes naturelles etc. Pour quelqu'un dont la vie ne change en rien, rien ne change. Alors pourquoi lui, changerait-il ?! Le drame, c'est qu'on ne peut pas en théorie se permettre d'attendre le déclic de chacun. Car il y a loin de l'information à l'action, civile ou politique d'ailleurs : on peut entendre les alertes et mettre un temps à se désengourdir de dépendances accrues qui font le lit du déni alors même que ce temps, on ne l'a plus et que ça urge au contraire. D'où l'insoutenable inquiétude de ceux qui savent et regardent les autres attendre tranquillement leur train de retard. Et souvent une grande, voire douloureuse incompréhension entre les deux : ils ne vivent pas dans le même monde. S'indigner du chaos à en vouloir remuer ciel et tierre, puis s'y consacrer activement, requièrent autant de dispositions psychiques devant lesquelles nous ne sommes pas égaux. Question d'histoire et de géographie, de variantes cognitives et surtout de capteurs sensitifs, kinesthésiques, intellectuels ou encore émotionnels, pas seulement d'accès technique à la lucarne catodique du Jt ou d'abonnement au "Courrier international".

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