Covid, un problème de timing.
- Le 25/11/2021
- Dans Crise sanitaire
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4è, 5è vague... La pandémie n'en finit pas de revenir en force tous les quatre matins.
Désorganisant nos cadences, la Covid nous met des bâtons dans les roues.
Analyse du gros ratage de timing dans ce couple infernal que composent humanité et virus.
De plus en plus vite
Notre existence se déroule à un rythme effréné. Et il s'agit de s'aligner : la communication digitale est instantanée, l'information se met à jour en continu, la commande part et se collecte en un clic, la livraison s'expédie en mode express, la nourriture se procure et s'avale rapidement (fast food), l'amour se décide vite (speed dating).
Bref, tout se trouve embarqué dans la cadence folle qui est caractéristique du temps industriel. Plus de 200 ans que ça dure, cet emballement exponentiel. A échelle planétaire, la mondialisation des échanges applique désormais la règle de l'accélération à tous les fuseaux horaires. Si bien que le luxe en matière de vacances revient à s'exiler sur une île pour enfin regarder le temps s'arrêter.
Pourtant le cadre du Temps n'est pas modelable quant à lui : une heure sous le Tropique du Cancer comme ailleurs ne fait jamais que 60 secondes, une journée à Tahiti ou Vladivostok n'excède pas 24h. Eh oui! le temps, il lui faut du temps.

Que de contre-temps !
Or du temps, c'est comme si on n'en avait plus.
Pas seulement pour la rêverie ou l'amour, ce temps que ne cessent de réclamer les poètes en boucle. C'est allé beaucoup plus loin, au point de dépasser la cause de notre vie intérieure. Le système en marche fait face à de grosses crises de timing. Plus le temps d'attendre que le temps prenne son temps, plus le temps de supporter des arrêts intempestifs de la machine, plus le temps de perdre du temps depuis qu'on sait que c'est de l'argent.
Comment faire alors quand l'élaboration d'un vaccin et de traitements médicamenteux en requiert ? Comment encaisser le manque à gagner dans la balance économique ? Comment rattraper le cours de nos courses éperdues avec des bâtons dans les roues répétés ? C'est là qu'une crise de l'ampleur de la Covid fait événement. Pas seulement en termes d'un avant -de plus en plus flou dans nos souvenirs- et d'un après - toujours différé.
Ce qui nous arrive, c'est un peu comme entrer dans une 4è dimension dans la mesure exceptionnelle où le temps des affaires, référence qui détermine nos cadences infernales, en est venu à ralentir en deux ans, voire à stagner, après s'être trouvé stoppé net. Tout ça à cause d'une collision avec une autre dimension temporelle, dictée par l'ordre biologique, le développement d'un virus. Or il faut savoir que le monde du vivant n'en a cure, lui, de notre business. Et voilà ce temps totalement indifférent aux lois du marché, secondé par une autre facteur de lenteur : le temps propre à la médecine. Et un 3è : le temps de la politique. Conséquence : cafouillages, indécisions, 3 pas en avant pour 5 en arrière... Au total, un retard exaspérant à la livraison des solutions. A cela, rien d'étonnant pourtant. Le temps ne se confond pas avec la mécanique de l'horloge qui l'égrenne. On ne met pas au point un remède à une pandémie en moins de temps qu'il n'en faut pour commander une pizza 4 fromages. On n'ajuste pas une politique gouvernementale à une crise aussi vite qu'on dresse sa liste de courses en ligne. On n'adapte pas des populations entières à une politique sanitaire comme on adopte une stratégie dans un jeu vidéo.
Une erreur de timing
Rappelons-nous que la vie n'est pas tenue entre les fils serrés des canevas artificiels que notre modèle civilisationnel plaque sur elle : plannings, objectifs, stratégies, challenges. Tout ce bricolage relève bien d'un mode de vie et non de la vie elle-même, irréductible à nos grilles de découpage. Dans cette existence virtuelle que nous avons substituée à "la vraie vie", il n'y a pas de place pour l'incertain ou pour le tâtonnement, il faut trancher. On ajoute ou pas un produit à son panier, on valide ou on quitte, et tout va bien car on dispose de cases pour toute option de comportement, seulement le choix est déjà envisagé, on n'a pas à l'élaborer, on sait ce qu'on vient chercher sur le net mais aussi en entretien d'embauche ou dans la rencontre dite amoureuse. Et gare si l'extérieur ne correspond pas à nos projections !
Mais où est l'erreur ?! On a appliqué un modèle mécanique au déroulement de le vie. Notre époque nie le temps comme tout intermédiaire entre le désir et sa réalisation.
C'est ce qui nous irrite dans la crise lancinante de la Covid. On croit en sortir et revoilà les hôpitaux submergés. A peine les écoliers ont-ils retiré le masque qu'il leur faut le reporter. Un pass sanitaire peut en cacher un autre, un vaccin être suivi de rappels. Et dans tout cela, rien de stupéfiant à l'aulne de ce qu'est l'écoulement naturel du temps, n'était notre propension à adhérer à une cadence qui est tout sauf saine pour le coup : courir toujours plus... en rond, dans un manège insensé. Sans doute n'est-ce pas s'agripper qui convient, c'est descendre, le meilleur timing pour cela étant quand... il ralentit.

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