Il y a quelques jours tombait la nouvelle selon laquelle l'Etat français devra répondre devant la justice de ses négligences au regard de l'urgence climatique. Une décision qui fait suite au combat de la société civile appuyée par l'association "L'affaire du siècle". D'autres Etats ont du souci à se faire sur le même dossier brûlant, qu'on se rappelle seulement ces 6 jeunes Portugais qui accusaient il y a un an 33 nations d'"avoir échoué à faire leur part afin d’éviter une catastrophe climatique".
Dans un registre très différent, des voix s'élèvent partout. Actuellement certaines réclament qu'on considère comme un crime d'Etat les "crimes inexcusables pour la République" dixit le président français Emmanuel Macron, rendant hommage aux 60 Algériens assassinés le 17 octobre 1961 sur la Seine. En ce moment se tient aussi le procès de civils ligués contre Kim Jong-un : plus de 93 000 Coréens avaient de leur plein gré quitté le Japon où ils vivaient à la fin des années 1950 pour rentrer au pays, alléchés par les conditions de vie que Pyongyang leur promettait; or, une fois arrivés en Corée du Nord, non seulement les transfuges déchantent mais endurent torture, travail forcé et privations diverses jusqu'au milieu des années 1980. Gagner signifierait pour ces familles empocher 500 millions de Yens mais surtout qu'il est possible d'obtenir gain de cause contre une dictature.
De quoi se demander quel vent justicier soulève de plus en plus des populations en colère contre leurs dirigeants un peu partout sur le globe, et pour des motifs aussi divers. Ras-le-bol généralisé en mode burn-out de civils essorés par un modèle sociétal et économique délétère ? Mobilisation symptomatique de l'effondrement d'un système résolument obsolète ? Prise de conscience planétaire d'un contre-pouvoir qui sort de l'engourdissement passif ? Sensibilisation au mal radical qui se profile en fond d'une mosaïque d'abus en tout genre ? Fin d'une tyrannie des soi-disant "grands" qui ne le sont "que parce que nous sommes à genoux" selon la formule d'Etienne de la Boétie ?
Quoi qu'il en soit, c'est là un mouvement tout à fait remarquable par sa portée universelle mais aussi pour sa teneur : il s'agit rien moins que de saisir la justice pour crime d'Etat, un moyen réflechi, légal, patient et organisé en lieu et place de l'assaut aveugle auquel pourrait se livrer une rage pulsionnelle en mal de soulagement expéditif. A grande échelle, de telles stratégies sont significatives d'un virage civilisationnel. Une solide conscience politique se fraierait-elle mine de rien son petit bonhomme de chemin dans les méandres lobotomisés de nos cerveaux de moins en moins disponibles mais... résistants ?
Si la chose est vraie, sans doute n'a-t-on pas fini de voir le peuple "à la barre". Par où ce dernier s'accorde somme toute avec la définition de la démocratie. S'il y "monte", c'est pour rappeler qui la "tient".