Homo Cadens
- Le 29/04/2021
- Dans Crise systémique
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Homo Sapiens appréhende le monde depuis des perspectives, parce qu'il est capable de projections. Ce qui nous caractérise, c'est ainsi d'aller de l'avant. La réflexion et l'action rendent cela possible, surtout depuis que notre ancêtre, Homo Erectus, s'est redressé, lançant son regard vers l'horizon. Alors se déployait au-devant de lui tout un espace à explorer, découvrir, sillonner en tous sens. Aussi, quand le contraire se produit, que cet horizon se restreint jusqu'à se boucher, cela n'est pas sans conséquences psychiques. Lorsque notre action voit son champ diminuer, se circonscrire étroitement autour d'un espace clos et qu'on se sent coincé dans un présent étriqué derrière lequel se profile un avenir incertain, on perd des repères structurants et ancrés depuis longtemps en nous. Ce n'est pas en effet de devenir sédentaire qui pose seulement problème, c'est de manquer de perspective d'avenir.
Voilà qui, très naturellement angoisse, et heureusement cela ne se produit pas tous les quatre matins. Jamais de mémoire d'homme vivant en société nous n'avons eu à ce point, sauf en état de siège, à nous priver de mobilité extra muros. Intra, en aucune façon. Jamais non plus, notre civilisation hyperactive, habituée à tenir des plannings anticipant parfois plusieurs mois ou années à venir, n'a vu son expansionnisme frénétique contrarié jusqu'à se trouver stoppé. Là, toute activité semble mise en suspens, voire contrainte à l'arrêt total, condamnant notamment à la faillite certaines entreprises professionnelles.
On pourrait assimiler cette situation à celle qui vous met au pied du mur, vous accule, comme quand on parvient au fond d'une impasse. Mais il est question de faillite de nos projets ici, il s'agit donc moins de se retrouver dans un cul-de-sac qu'au bord d'un précipice, si l'on se rappelle qu'étymologiquement, "faillir" vient du sanskrit sphal qui signifie "vaciller". Business as usual oblige, on n'est pas en train de se retourner pour faire machine arrière et les tentatives de se hisser en haut du mur qui bloque notre avancée sont laborieuses. Alors où en est-on ? L'heure est plutôt à l'effondrement.
Quoiqu'il en soit des possibilités que nous sortions de la crise, le contraste entre nos habitudes et ce qui nous arrive en ce moment est de taille : psychologiquement, ce n'est pas du tout pareil, s'envisager dans un mouvement qui va de l'avant et en chute à la verticale. Nous traversons une période critique où la seconde posture s'est de façon inédite substituée à la première. Au lieu d'avancer, nous tombons. C'est pourquoi je pense que la seule façon de vivre une réelle sortie de crise passera par une relève, au sens littéral du terme : non pas un redressement à la verticale synonyme de retour à la normale, mais un réel avènement qui relance l'horizon. Ce qui "advient" ainsi contient entre ses plis un autre avenir à dérouler que celui projeté en continuité avec le passé, la crise actuelle nous invitant à passer à quelque chose de nouveau à plus d'un titre dans notre rapport au monde.
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