Première leçon

Une époque parano ?

 

Le XXIè siècle, siècle de peur généralisée ?


 

Avoir peur est normal, cela fait partie de l'organisation psychique. On a peur pour pouvoir se protéger, aussi serait-il plutôt inquiétant d'être privé de cette ressource naturelle. Or désormais, la menace semble planer partout. Elle se formule certes de façon contextuelle, comme actuellement en pleine crise sanitaire (va-t-on connaître une seconde vague ou encore manquer de masques face au coronavirus ?) mais aussi plus courante, voire systématique au quotidien car tout le monde est plus ou moins amené à se poser des questions comme celles-ci : Que choisir au rayon du supermarché sans me faire arnaquer ou/et empoisonner ? Comment éviter les pesticides dans  mon assiette ? Trouverai-je du taff même en sortant major de ma promo ? Quelle crème solaire protègera ma peau sans être, en passant, cancérigène ? Y aura-t-il de l'eau cet été pour arroser mes plants de tomates ?

A cette série d'inquiétudes s'ajoutent celles de populations moins bien loties que l'occidentale gavée-câblée, à savoir des communautés défavorisées, vivant sous des latitudes sinistrées par le changement climatique ou exposées à des violences politiques. Leurs questionnements anxieux sont de cet ordre : Quand est-ce que la crue du fleuve va m'obliger à déplacer ma cabane plus loin des berges encore ? Que donner à manger à ma famille demain ? Comment empêcher le pouvoir en place de me déposséder de la terre de mes ancêtres ? Comment envoyer mon enfant à l'école ? Si je suis emprisonné, aurai-je droit à une justice impartiale ? Pourrai-je garder mon bébé si c'est une fille ?

Notre planète résonne ainsi de peurs et de doutes que les humains ressassent en litanie. Bien sûr, le monde n'a pas attendu le XXIè siècle pour être sauvage, voire hostile et l'humanité négocie en permanence son équilibre, son pain et sa paix de l'esprit contre des forces majeures telle la direction des vents ou le cours du Cac40. Néanmoins aujourd'hui, la peur prend des dimensions exponentielles en termes d'intensité chez nos contemporains, tandis qu'elle s'étend à tous les aspects de la vie.

A croire qu'on n'a pas dépassé l'insécurité d'un homme de Néanderthal recroquevillé dans sa grotte au premier grain. Et pourtant, que de progrès censés nous mettre à l'abri !

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 Quid du contrat social ? Où en est-on du projet de procurer au citoyen des conditions de vie salubre et un sentiment de protection qui l'encourage à aller vers l'autre et s'aventurer au dehors ? Les civilisations passent et la peur reste - d'abord parce que c'est une fonction inscrite dans nos gènes. Néanmoins, en termes de résultat, on juge une organisation socio-culturelle sur sa capacité à garantir un mieux vivre ensemble conséquent et non à en rajouter... Sinon quel intérêt en effet ? C'est à se demander quel était le deal au juste. Précisément, la multiplication des peurs et le raffinement de notre sentiment d'insécurité non seulement sanctionnent notre modèle civilisationnel en flagrant échec, mais aussi rendent suspecte sa rengaine paternaliste, promettant des lendemains meilleurs. Meilleurs pour qui (sinon pour lui-même peut-être, s'il a fait de lui sa propre finalité) et à quel prix pour les dits civilisés ?

 

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