Ce qu'on attrapait de la vie des autres au tournant des nôtres ; ce qui adhérait à nos manteaux comme aux leurs sous le vent, de promesses envolées, et d'histoires en miettes ; ce que le jour déclinant emportait de nous qui sans nous connaître nous croisions sans cesse; chaque parfum nouveau échappé du creux d'une étoffe, chaque éclat de voix à nos oreilles distraites, chaque bribe d'intimité volée sans désir, sans curiosité même; éparpillé sur la peau, scintillant de vigueur, tout ce qui nous augmentait, ce supplément d'être, au contact de la foule anonyme et dense ... semble évanoui au loin comme les rêves qui se défont au réveil.
On en garde hébété, la poussière humide aux lèvres, une odeur de quai de métro entre souffre et cuir fauve, la lueur glacée de néons publics, la brûlure du soleil dont une mince main voisine protégeait un regard translucide. On se sent poussé par son souffle impatient qui menait, de ressac en ressac, chacun de nous tous au bord du monde de l'autre et nous hante encore.
Et le silence du vide régnant dans la chambre, en lieu et place de la cohue d'autrefois, rend le poète du confinement, songeur, nostalgique et lent.