Qu’on se le dise : s’il veut bien intégrer ce qui ainsi le transcende naturellement, l’individu chez les hommes est en passe, enfin, de ne plus être seul. La tragédie écologique l’arrache à la dérive où le jetait un solipsisme nihiliste. L’humanité ne pouvait pas trouver plus fédérateur, à l’heure de l’individualisme le plus exacerbé de tous les temps, que le sentiment collectif de sa chute imminente.
Que cette chute ait réellement lieu ou pas, d’ailleurs… Car un bémol de taille est à apporter à l’affirmation anxiogène que le pire nous attend : c’est qu’on ne sait pas si on devra affronter réellement le néant tant redouté. La peur paralyse nos facultés de discernement, c’est mécanique, aussi toute éco-anxiété doit-elle être accueillie avec la plus grande prudence. Comment ? En réintroduisant de l’incertitude. De ce que tout semble annoncer un désastre écologique nous emportant entre autres espèces sacrifiées, il ne s’en suit pas en effet que cela arrivera assurément. Tout est possible, parfois même malgré les apparences les plus impressionnantes. Refusez de trancher, et avisez. Attention ce faisant aux distorsions cognitives qui jouent des tours à l’anxieux. Il peut s’agir par exemple du fait de maximiser les risques, ou de la tendance à tout voir en noir, ou sans nuances de gris. Dans le doute, passez régulièrement vos pensées au filtre de telles erreurs de raisonnement et rectifiez le tir le cas échéant. En un mot, ne croyez pas tout ce que vous dit votre cerveau. Aussi, en suivant l’actualité de l’effondrement, remettez-en vous inlassablement à la rigueur des faits lorsque vous récoltez des informations sur l’avancée du dossier pour distinguer ce qui est certain et ce qui ne l’est pas.