Comment gérer l'éco-anxiété ? Partie 2.

La deuxième manifestation de l’éco-anxiété particulièrement délicate à prendre en charge est la culpabilité.

On réalise qu’on fait partie de ceux qui ont provoqué l’insupportable, voire de ceux qui, parvenus au bout de la chaîne, ne font rien pour empêcher l’irréparable d’arriver.

Un sentiment de faute envers l'environnement et ses semblables accompagne très naturellement une telle prise de conscience. Qu'en faire ?

la honte

 

On serait né pendant les trente glorieuses ou plus tôt encore, dans l’euphorie positiviste encensant l’ère industrielle, rien de tel ne nous tomberait dessus comme une chappe de plomb. Mais voilà, on vit à l’époque des révélations honteuses, des bilans accablants, du repentir contrit.

On est un peu ébahi, on se demande comment les autres avant nous ont déjà laissé faire, comment nous-mêmes on a vécu aveugles jusqu’à la sanction aux allures fatales que nous sert l’actualité. Des baby boomers confrontés par de jeunes adultes à leurs responsabilités collectives en la matière tombent des nues. C’est souvent forts de l’évidence que l’on blâme après coup des choix passés qui apparaissent de façon obscène ce qu’ils étaient, aberrants.

Quant à nous, on aurait de quoi remédier au mal qui est fait depuis des décennies, cela irait encore, il nous « suffirait » de nous montrer de bonne volonté et voilà qui sauverait avantageusement nos consciences morales. Mais notre époque apporte aussi l’implacable constat d’une tragique impuissance. Certes relative car les « puissants », ceux qui ont le pouvoir politique, économique, technico-scientifique etc. en place n’ont qu’un mot à dire pour procéder à une transition titanesque appropriée, une impuissance résignée nous pèse intérieurement parce qu’on croit peu à un sursaut de mobilisation harmonieuse et à cette mise à disposition spontanée des moyens humains en général que requiert l’urgence.

C’est la double peine : coupable et condamné à la non-réparation.
 

ensemble

D’où une solidarité vibrante pour les victimes du désastre écologique lors de marées noires répétées par exemple, d’où aussi la revendication émue d’une parenté avec les espèces vivantes qui s’éteignent en temps quasi réel sous nos yeux à la télé.

D’où encore une sollicitude embarrassée envers les générations à venir, s’il en est, sur lesquelles nous nous déchargeons de la gestion de nos déchets, notamment nucléaires, ou de celle du dérèglement climatique en cours que nous dédaignons de façon insultante en maintenant de hauts niveaux d’émanation de Co2.

On est un peu perdus entre les statuts de coupable, d’écocidaire involontaire, de victime collatérale, de victime idéologique, d’héritier passif, d’innocent aux mains sales, de sauveur activiste … La frontière entre tous est délicate à trancher sauf à suivre le droit qui protège le vivant et l’environnement. Reste que chacun en son âme et conscience exige de savoir s’il peut se blanchir de son inertie et à quelle autorité intérieure se soumettre à cette fin. Celui qui a a intégré sa part de monstre, de criminel, de fraudeur impénitent abandonne tout espoir de rédemption et passe à plus utile : une fois qu’on sait qu’on est capable du mal, on l’assume et une fois qu’on sait qu’on l’a commis, il faut cesser. De toutes les façons possibles, cesser. Pas question de se voir plus beau qu’on n’est. Voilà pour Narcisse. Amer, certes mais honnête. La leçon écologique ne fait pas dans la dentelle, elle nous renvoie en miroir un visage peu flatteur, c’est ainsi. Et pour la nature sinistrée ? La philosophie à ce titre peut aider : Sartre disait qu’on est toujours responsable de ce qu’on n’essaie pas d’empêcher.

Alors que faire de son sentiment de culpabilité ? En récupérer l’énergie pour la rediriger vers l’action juste. Il ne s’agit pas de se dédouaner, la faute est commise. Peut-être certains seront sensibles au réconfort d’une forme d’auto-pardon - parce qu’ils ne savaient pas, parce qu’ils ne mesuraient pas les conséquences de remplir leur piscine par canicule, parce qu’ils avaient le nez sur leur nombril comme leur époque leur appris, parce qu’ils étaient bernés, sous emprise idéologique, publicitaire etc.

Pas d’excuse qui vaille face aux enfants de demain demandant : « Où étiez-vous ? ». 

Et d’abord, qu’a-t-on besoin d’excuse quand la maison brûle ? Il s’agit bien de se perdre en états d’âme ! Non, on remonte les manches et on puise l’eau à apporter. Plus d’eau ? On grappe la terre de ses ongles plus profond pour en trouver. Bref, on fait l’impossible, on incarne l’impensable, on se demande par-delà toute raison d’espérer, la foi qui soulève des montagnes, la dernière des forces disponibles. En un mot, on assume son erreur par omission, négligence ou conviction, cela revient au même pour la planète ravagée. L’important est de dépasser ces débats moraux pour se mettre en action.

L’avenir n’a que faire de nos atermoiements ni la baleine échouée de simagrées sentimentalistes ; l’ours polaire se fiche de nous émouvoir et le corail ne se porte mieux que si on plonge activement le replanter, dût-on pleurer dans son masque tout le temps de l’opération, on lave son regard pour servir l’action juste et on assure.

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