Eco-anxiété et déni

Les deux font parfois la paire : on fait comme si de rien n'était et on tremble de peur vu ce qui se trame au royaume de la biodiversité.

Analyse et conseils face à la double peine de l'éco-anxiété et du déni.

déni et éco-anxiété

De l'anxiété au déni, du déni à l'anxiété

Ce n'est déjà pas facile de tenir le choc des infos sur les catastrophes naturelles dues au réchauffement climatique ou de refermer un livre d'un lanceur d'alerte et autre collapsologue sans envisager le pire pour la planète et tous ceux qui vivent dessus. Alors en plus devoir se coltiner une remise en question personnelle des fois qu'on pratiquerait le déni, ça fait beaucoup, non ? Et pourtant ! Le déni ne s'installe que là où l'y prédispose un savoir, même minime, même superficiel, quelque chose de l'ordre de la toute petite puce à l'oreille. Les vrais imbéciles heureux n'ont rien compris à l'effondrement en cours, ils vivent un quotidien insouciant c'est-à-dire contrarié par les soucis ordinaires que tout le monde a et qu'on avait "avant", quand c'était le bon temps. Le déni ne les concerne pas car il s'agit d'une réaction à une nouvelle ou un événement bouleversant tellement l'ordre des choses qu'on y répond par le rejet. Voici ce qui se passe : quelque chose a surgi dans notre paysage intérieur qui menace d'en disloquer l'agencement familier et rassurant, aussi va-t-il falloir illico presto bouter ce trouble-fête hors de nos frontières mentales. Et hop! le psychisme l'occulte, ni vu ni connu. Super, on va pouvoir retourner à l'ingénuité de la bonne vieille innocence dont une erreur de parcours nous avait écarté. L'effondrement, il n'en a jamais été question. On oublie. En plein déni, on est sincère. Le déni n'est pas un mensonge, mais un arrangement avec la vérité. Donc on la connaît. Simplement, on n'en veut pas.

Or logiquement ce dont on ne veut pas, c'est ce qui nous dérange. Des tas de sentiments ou d'émotions négatives nous dérangent et peuvent inspirer du déni quant à ce qui les inspire. L'éco-anxiété est un de ces états peu désirés qui submergeant la personne qui l'éprouve, peut être traitée par du déni. On pourrait croire que ce n'est qu'un premier moment, une sorte d'étape réservée au débutant destabilisé par une lucidité nouvellement acquise, le temps de souffler, qu'il s'en remette. Mais le déni touche aussi de vieux éco-anxieux, des bourlingueurs du flipp collapso, des habitués de la maison qui brûle. Pourquoi ? En vertu d'un processus avancé de découragement et de désillusion. Que s'est-il passé ? On a d'abord réagi avec la meilleure volonté du monde, on s'est montré vaillant et on a pris sur soi pour faire face à tout ce qu'on apprenait de l'effondrement en cours. Puis on a installé des protections pour ne pas devenir fou. Par exemple en investissant à fond l'activisme civil ou en remuant ciel et terre pour monter sa base arrière survivaliste. Et, de guerre lasse, les mauvaises nouvelles continuant à s'accumuler, on baisse les bras, ou on a épuisé les projets sous le coude pour occuper le mental. C'est le moment que ce dernier attendait pour revenir en force avec ses litanies anxieuses du genre: "tout ça est vain, tu t'acharnes contre un mur, vois tout ce qu'il reste encore à accomplir, c'est perdu d'avance, on n'a pas le temps, on est tout seul etc." La question fatidique s'élève, insistante et vertigineuse : "et maintenant ?"

Que faire ?

Deux choses : prendre enfin en charge son éco-anxiété et en finir avec son déni. Les deux chantiers sont liés, car il faut d'abord sortir du dernier pour pouvoir faire face au premier.

Donc un petit demi-tour sur soi et on reprend tout depuis le début ! On sait - puisqu'on s'est caché la vérité. On a peur -puisqu'on a été dans le déni.

Alors qu'est-ce qu'on sait ? Qu'est-ce qui s'est présenté à notre esprit de si terrifiant pour qu'on l'enfouisse avec autant d'énergie pour le faire disparaître ? Pourquoi cette peur ? A quoi nous renvoie-t-elle qu'on refuse tant ? Plus de faux-semblant, on regarde clairement de quoi est faite cette peur qui a motivé le déni.

Avoir peur arrive à des gens très bien.

Maintenant, c'est l'heure de se faire face, à soi. Pour pouvoir faire face au monde dehors, tel qu'il est.

On ne fait jamais face au monde tel qu'il est que... tel qu'on est. C'est la condition pour pouvoir le faire, être présent à soi-même, ne pas s'être perdu de vue sous des stratagèmes faisant diversion et différant l'issue, difficile à éviter : on est au pied du mur. On l'est depuis le début mais c'était trop dur à voir.

Si on sort du déni, c'est que maintenant on en est capable. Et de le voir et de le dépasser. C'est le moment du courage et de la lucidité ensemble.

Et cela aussi arrive à des gens très bien.

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